Coup de cœur #6 : « Nuit gravement au Salut », férocement drôle

Coup de cœur #6 pour cette comédie grinçante qui sous couvert d’offrir un portrait féroce du monde de l’édition en profite pour décortiquer les mécanismes de l’abus de pouvoir. Drôle et cinglant.

Un restaurant gastronomique, un éditeur Victor Pontier (Ludovic Laroche), un auteur Léa Belmont (Stéphanie Bassibey). La seconde espère faire signer un contrat au premier, celui-ci entend, avant tout, la ramener dans son lit. On comprend vite que l’acte sexuel sera au centre des négociations.

L’adaptation par Ludovic Laroche du texte d’Henri-Frédéric Blanc fonctionne. Satyre d’un milieu dont on devine, à travers la caricature de Victor, les dessous peu glorieux et les méthodes manichéennes. La littérature comme produit de consommation de masse. Policé, marketé, commercialisé, le livre : un objet mercantile comme les autres.

Mais au-delà de cette critique acerbe du monde de l’édition, c’est l’abus de pouvoir que Nuit gravement au Salut nous explique. D’abord par petites touches, les remarques et attitudes graveleuses de Victor amusent par leur grotesque. Plus la pièce avance, plus le propos s’alourdit et plus on comprend que cette situation n’a rien de comique.

De la drague bancale et ridicule on passe vite au harcèlement pour finir sur un chantage assumé et même argumenté. Pas de séduction ici, la relation sexuelle se passe de désir et de poésie. Victor veut Léa, parce que Victor veut posséder, Victor veut dominer.

Léa femme séduisante, érudite et pieuse se retrouve prise au piège dans un jeu qu’elle n’a pas choisi et dont elle ne peut que subir les règles.

Cette démonstration d’abus de pouvoir avec le sentiment de fatalité qui l’entoure est bouleversante. Le sujet est lourd, le génie de la pièce est de rendre la situation plus que drôle, hilarante. Notamment grâce au rôle incroyable d’un serveur génial (Pierre-Michel Dudan) complètement déjanté, brillant avec une sensibilité romantique et lyrique. Improbable et follement efficace. Ses interventions ramènent une foule de fous rires salvateurs.

« Nuit gravement au Salut » heurte, indigne et amuse. Férocement drôle.

Théâtre Condition des soies, 20h40 (relâche 24 juillet). Tarif plein : 17€. abonné : 12€

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